La chapelle du phare de Cordouan

Une chapelle dans un phare : le cas unique de Cordouan, le « phare des rois »

Construit à l’embouchure de l’estuaire de la Gironde entre la fin du XVIe siècle et le XVIIIe siècle, le phare de Cordouan se dresse sur 67,3m de hauteur. Il est aujourd’hui toujours en activité.


Le phare fut commandé par Henri III à l’architecte Louis de Foix en 1581 pour remplacer une ancienne tour à feux datant du XIVe siècle, afin de sécuriser les abords de la Gironde et limiter les naufrages. Cependant les travaux sont ralentis à cause des guerres de Religions.
C’est le roi Henri IV qui va redonner une impulsion au chantier dès 1593 en apportant des modifications telles que la construction d’une chapelle royale et d’appartements royaux. Henri IV transforme ainsi le phare en véritable monument à la gloire du royaume catholique et affiche sa foi aux yeux de tous.


Les travaux de Louis de Foix s’achèvent en 1606 après sa mort. Cependant, le phare est jugé insuffisamment protégé des vagues et des conditions maritimes, et des travaux de renforcement de la tour sont amorcés. Le phare sera mis en service en 1611.


A la fin du XVIIIe siècle, le phare est remanié par l’architecte Teulère afin de perfectionner les capacités techniques du phare en l’exhaussant de plus de 20 mètres tout en gardant l’esprit architectural voulut par les rois Henri III et Henri IV. La lanterne de la Renaissance fut supprimée et remplacée par une structure plus moderne et plus adaptée aux besoins techniques d’éclairage.
Au XIXe siècle Cordouan devient le laboratoire des phares. L’ingénieur Augustin Fresnel, y expérimente un prototype de lentilles à échelons en 1823 et cette expérience révolutionnera l’éclairage moderne des phares.


Aujourd’hui, le phare est toujours en activité et sert de repère aux marins. L’édifice a été classé aux Monuments Historique dès 1862 et est inscrit depuis 2021 au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. Après dix ans de travaux de restauration, le phare a réouvert ses portes au public en avril 2024.

La chapelle


Le phare s’élève sur huit niveaux dans un grand appareil de pierre de taille. Il a été réalisé dans la tradition antique et italienne des mausolées romains et des dômes maniéristes, qui lui vaut le surnom de « Versailles de la mer ». La tour comporte six étages. Au deuxième niveau se situe la chapelle qui est la pièce la plus vaste et majestueuse du phare. Sa présence est étonnante car un tel édifice n’a pas été conçu au départ pour avoir une fonction liturgique.

Si cet espace a été ajouté c’est pour glorifier la monarchie et honorer ses deux souverains fondateurs. Mais Henri IV y montre également un geste politique en pleines guerres de Religions, car il vient assoir la religion royale, en plus de faire de ce phare un monument absolument extraordinaire venant rappeler et concurrencer le célèbre phare d’Alexandrie.

La prouesse architecturale et la richesse des décors font de la chapelle le sujet principal de cet édifice. Ses dimensions sont hors-normes et son décor ne fait pas penser à l’intérieur d’un phare. L’espace est circulaire, épousant la forme de la tour du phare. Le sol est orné d’un pavement géométrique en marbre. L’élévation est percée de vitraux datant du XVIIe siècle, ainsi que des niches qui servaient à accueillir autrefois les bustes de Louis XIV et Louis XV, retirés à la Révolution. Au-dessus des niches on peut apercevoir les monogrammes des rois Henri III et Henri IV, preuve de la volonté de glorifier le pouvoir royal. Un autel dédié à la Vierge se situe en face de l’entrée. Un buste de Louis de Foix trône face à l’autel, il est entouré de deux inscriptions, une en français et l’autre en latin vantant toutes deux les mérites de l’architecte. C’est une pratique peu commune que l’on ne connaît que pour un seul autre édifice : le phare d’Alexandrie. Un poème, aujourd’hui disparu, s’inscrivait également sous le
buste et chantait les louanges du phare de Cordouan, le plaçant comme supérieur aux autres merveilles du monde. Une coupole coiffe la chapelle, avec une voute en caisson bleue, qui rappelle les dômes italiens. La présence d’un dôme dans un phare montre bien l’exubérance des travaux menés et la volonté des rois de France de faire de cet édifice un monument spectaculaire montrant la puissance maritime et artistique du Royaume de France, bien plus que d’en faire un lieu de culte.

©AlixLambertOPR