La singulière histoire du bateau-chapelle « Je Sers » de Conflans-Sainte-Honorine

À seulement 20 kilomètres de Paris, une chapelle flottante est amarrée sur les bords de Seine, à Conflans-Sainte-Honorine. Depuis 1936, le bateau-chapelle « Je Sers » joue un rôle important dans la vie sociale et religieuse de cette ville, située dans le nord des Yvelines. En effet, la paroisse fluviale « Je Sers » ainsi que ses associations partenaires mènent activement des missions d’aide aux plus démunis et de lutte contre la précarité.


La création du bateau-chapelle « Je Sers »


Ce n’est pas un hasard si le bateau-chapelle « Je Sers » se situe sur les berges de la Promenade François Mitterrand et du quai de la République, au coeur de la capitale française de la batellerie. En effet, Conflans-Sainte-Honorine était un haut lieu de l’industrie française du transport fluvial, du milieu du XIXe siècle jusqu’au début du XXe siècle. À l’origine, le bateau-chapelle se nomme « le Langemark », il est un chaland en béton armé construit en 1919 pour l’Office national de la navigation, qui est destiné au transport de charbon en vrac. Le chaland sera actif jusqu’en 1932.


Dès 1935, l’abbé Joseph Bellanger, aumônier national de la batellerie soutient le projet de reconversion du « Langemark » en bateau-chapelle, dont ce dernier était voué à la destruction. Une année plus tard, le chaland est acheté par cession au Ministère des Travaux Publics, par l’association « L’Entraide Sociale Batelière », fondée en 1935 par l’abbé Bellanger. Le bateau-chapelle est alors rebaptisé « Je Sers » et est dédié aux bateliers ainsi qu’à saint Nicolas. Le 11 novembre 1936, la chapelle flottante est inaugurée et sacralisée. Elle est également le siège sociale de l’aumônerie nationale des bateliers et de l’association « Entraide Sociale Batelière ». L’oeuvre de l’abbé Bellanger tend à unir les actions religieuses et sociales au sein du bateau-chapelle « Je Sers ». À cette époque, l’abbé Bellanger porte une attention toute particulière envers les bateliers de la région qui vivent dans une grande précarité.


Une architecture inédite


Dans les années 1930, la péniche « Je Sers », longue de 70 mètres, a été aménagée par l’architecte Pierre Robuchon. Le bateau abrite une chapelle, un lieu d’accueil, d’une banque alimentaire, de bureaux, une salle de réunion, une salle de spectacle et un petit musée de la batellerie. Ce bateau-chapelle réaménagé en paroisse fluviale, se distingue par son caractère anciennement industriel et son style marinier de l’Entre-deux-guerres.


La chapelle occupe un tiers de la surface du bateau, elle est constituée d’un plan allongé, comprenant une nef et un chevet à abside polygonale. Elle possède la particularité d’être recouverte d’un dôme en verre, un puit de lumière éclairant le sanctuaire. Les hublots octogonaux de la chapelle sont ornés de vitraux, qui sont réalisés par le maître-verrier Jacques Le Chevallier. Le mobilier Art Déco de la chapelle a été en grande partie réalisé par l’artiste Paul Croix-Marie.


Au fil du temps, la paroisse fluviale « Je Sers » s’est agrandie au-delà du bateau-chapelle. Elle se compose désormais de cinq péniches ainsi qu’un entrepôt de stockage à Conflans-Sainte-Honorine. En 2020, le bateau-chapelle est classé au titre d’objet des Monuments historiques.


La vocation sociale de « Je Sers »


La paroisse fluviale « Je Sers », qui est sous l’autorité du diocèse de Versailles et de la Congrégation des Augustins de l’Assomption, s’adonne quotidiennement a des activités liturgiques et solidaires. En effet, le bateau-chapelle possède une vocation profondément sociale et collabore avec de multiples associations humanitaires laïques et cultuelles, tels que « La Pierre Blanche », « L’Entraide Sociale Batelière », « L’Association Bateau Je Sers », « Secours Catholique de la Batellerie »…


Le bateau-chapelle « Je Sers » offre chaque jours des repas, des cafés, des logements, des emplois, des cours de français, des loisirs, du soutien morale et psychologique ainsi que de l’aide administratives et juridiques à des centaines de personnes vivants dans le besoin, et cela peu importe leurs religions, leurs situations et leurs nationalités. En 2021, plus de 3 500 personnes ont trouvé refuge et ont été accueillis par les 100 bénévoles et les 30 salariés du bateau-chapelle.


Un avenir incertain


Malgré le succès et les bienfaits du bateau-chapelle « Je Sers », la Province d’Europe de la Congrégation des Augustins de l’Assomption a décidé, ce 17 avril 2024 lors du Conseil d’administration de « l’Association Bateau Je Sers », de mettre fin à sa mission à Conflans-Sainte-Honorine. Par conséquent, le 30 juin 2024 le bateau-chapelle aura l’obligation de cesser ses activités sociales et solidaires.


Toutefois, le prêtre aumônier de la paroisse fluviale de Conflans-Sainte-Honorine, Père Protais Kabila-Kalondo, lutte activement contre cette fermeture. Il a engagé des négociations avec les instances de la Congrégation des Augustins de l’Assomption. La paroisse fluviale sort victorieuse de ces échanges, et obtient l’autorisation de poursuivre ses activités jusqu’à l’été 2025.
Affaire à suivre…

Jeanne Rey, étudiante à l’OPR.